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la peur de la vaccination

La vaccination contre-nature

Laisser faire la nature. Une forme de pensée vitaliste est à l’œuvre chez de nombreux opposants à la vaccination, faisant référence à une « énergie vitale » pourvoyant à la santé de chacun, souvent associée à un principe holistique par lequel l’individu doit être perçu comme un tout englobant sa nature entière.


Couverture du livre.


Nous reprenons ici de longs extraits du chapitre « La vaccination contre-nature » du livre Antivax. La résistance aux vaccins du XVIIIe siècle à nos jours de Françoise Salvadori et Laurent-Henri Vignaud, paru aux éd. Vendémiaire en 2019 (avant la pandémie de Covid19).[1]Nous avons vainement tenté de joindre les auteur/trice ainsi que la maison d’édition, et publions donc ici cet extrait sans leur accord explicite, en espérant qu’ils n’en prendront pas … Voir plus

 
 

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Laisser faire la nature. On est ici face à une des justifications les plus fréquentes chez les opposants à la vaccination, l’invocation de la « Nature », souvent sacralisée, figée, envers laquelle toute tentative de modification semblerait soit dangereuse soit sacrilège. L’histoire des divers courants de pensée naturistes[2]Note de contrenature.org : Le naturisme est un mode de vie impliquant une pratique collective du nudisme, et basé sur l’idée de retour à l’état naturel. Au fil des années, le … Voir plus a été évoquée précédemment ; nous verrons ici leur absorption dans certaines composantes récentes de l’écologie ou de l’écologisme. Les conceptions concernant la santé et la médecine néo-hippocratique liées à ces schémas de pensée semblent avoir été peu influencées par les progrès scientifiques des XIXe et XXe siècles, qu’il s’agisse de la théorie des germes, des concepts de l’immunologie, ou même de la démarche expérimentale et/ou statistique qui fonde la science biomédicale contemporaine.

Une forme de pensée vitaliste est à l’œuvre chez ces opposants, faisant référence à une « énergie vitale » pourvoyant à la santé de chacun (à condition de savoir la préserver), souvent associée à un principe holistique par lequel l’individu doit être perçu comme un tout englobant sa nature entière, son corps physique, son énergie, mais aussi ses émotions, son mental, son « esprit », voire ses inspirations artistiques, ou ses extases mystiques. Une culture parallèle de la santé, parfois une véritable contre-culture, s’est instaurée et a perduré, dont les fondements philosophiques ont parfois tellement divergé des raisonnements « rationnels » que le dialogue s’avère difficile avec les intervenants en santé publique. Pour les adeptes des médecines néo-hippocratiques[3]Note de contrenature.org : L’approche hippocratique était fondée sur le pouvoir guérisseur de la nature. Selon la doctrine d’Hippocrate (460-356 av. J. C.), le corps contient en … Voir plus ou holistes[4]Note de contrenature.org : « Il s’agit en premier lieu de se concentrer sur le corps humain de manière systémique, en privilégiant l’état général de l’organisme plutôt que … Voir plus contemporaines, les germes sont toujours au second plan par rapport au « terrain » biologique. Le retour à la nature, fondé en particulier sur des pratiques de médecine naturelle, des régimes alimentaires largement végétariens et/ou excluant des composés considérés comme « artificiels » ou toxiques, s’accompagne fréquemment d’une tendance à la méfiance vaccinale.

 

À l’école de l’antivax

Grâce à des campagnes de vaccination*[5] Pour les termes suivis d’un astérisque*, voir en fin d’article le glossaire établi par les auteurs. massives, les cas de rougeole en Europe ont chuté de 98 % entre 1993 et 2007, selon l’OMS*. En 2012, cette maladie regagne pourtant du terrain, à cause de petits groupes de population non vaccinés en Europe centrale et de l’est. De nombreux pays européens de niveau économique et sanitaire équivalent à celui de la France ne déclarent plus ou très peu de cas, mais en bonne compagnie de l’Italie et l’Allemagne, qui sont aussi des pays résistants à leur manière, la France ne figure pas dans cette liste des bons élèves de l’OMS… La courbe dessinant l’évolution des cas de rougeole en France montre globalement une diminution des cas depuis l’introduction du vaccin* dans notre calendrier vaccinal en 1983 ; mais, entre 2008 et mai 2016, plus de 24000 cas y ont été déclarés, dont près de 15000 pour la seule année 2011. Pas de quoi s’affoler, pensent beaucoup, au souvenir de leur rougeole infantile. Mais à regarder de plus près la réalité de cette maladie sur la période étudiée, on découvre près de 1500 cas associés à des pneumopathies graves, 34 complications neurologiques et 10 décès, dont certains chez des patients immunodéprimés, qui ne pouvaient être vaccinés, et devaient compter uniquement sur la protection rapprochée de leur environnement lui-même immunisé. Le nombre de cas français a fortement diminué en 2012, puis est resté stable en 2013 et 2014 – respectivement 859, 259 et 267 cas déclarés[[6] Voir les données actualisées sur la rougeole publiées sur le site de l’INVS : http://invs.santepubliquefrance.fr.. Allait-on enfin voir disparaître la rougeole en France ? Las, au printemps 2015, un groupe de jeunes Alsaciens non vaccinés en voyage à Berlin, ville où les mouvements anti-vaccination sont très présents, en reviennent avec le virus ; ils sont à l’origine d’une épidémie de plus de 200 cas, représentant les deux-tiers des cas français de l’année 2015. Ce chiffre repasse sous la barre des 100 en 2016 mais la maladie a ensuite regagné du terrain : 519 cas ont été déclarés en 2017, ayant occasionné 40 % d’hospitalisations pour encéphalites ou pneumopathies sévères, des épidémies en crèches, écoles et services hospitaliers, ainsi que le décès d’une jeune fille sans antécédents médicaux, non vaccinée. L’année 2018 voit s’accentuer encore la recrudescence, avec 2702 cas cumulés à la date du 16 septembre, observés à 89 % chez des sujets pas ou mal vaccinés, se soldant par 23 % d’hospitalisations et 3 décès ; la poussée épidémique se limite pour le moment à quelques départements (surtout méridionaux), mais la France n’est pas à l’abri d’extensions plus larges, comme celles observées ailleurs en Europe, en Italie ou en Roumanie : cette dernière à déclaré près de 15000 cas depuis 2016, qui ont provoqué au moins 55 décès.

Les limiers de la santé publique ont mené l’enquête sur le « patient zéro » français de l’épidémie de rougeole de 2015 : on à vite trouvé que l’adolescent était scolarisé dans un établissement privé proche de Colmar, adhérent à la pédagogie Steiner. Et alors ? Des journalistes ont tendu leur micro à la sortie des classes : une mère avance que « la rougeole, ça fait grandir les enfants », un père préfère « laisser la nature faire », et un autre se place sur un registre plus scientifique en affirmant que « les maladies infantiles permettent de renforcer les défenses immunitaires naturelles de l’enfant, c’est un choix aussi[7] « Une épidémie de rougeole sévit en Alsace », reportage vidéo France TV Info du 5 juin 2015. ! » L’école est rapidement fermée par les autorités compétentes puis mise en quarantaine, et n’y reviendront que les enfants vaccinés ou immunisés « naturellement » par le virus qui vient de les frapper. Plus de la moitié des enfants inscrits dans cette école n’étaient pas vaccinés contre la rougeole, même si beaucoup de parents, se pliant à la loi, avaient assuré les trois vaccins alors obligatoires en France (diphtérie, tétanos et polio).

Rudolf Steiner, père de l’anthroposophie et de l’agriculture « biodynamique » actuellement très à la mode dans certains vignobles certifiés par le label Demeter, développa au début du siècle dernier une médecine d’inspiration homéopathique encore pratiquée par quelques milliers de médecins dans le monde, et fonda en 1921 la société Weleda qui fabrique et commercialise toujours avec succès des cosmétiques et médicaments élaborés selon une conception « tenant compte des correspondances profondes qui existent entre l’Être humain et la Nature[8] Voir la présentation de la médecine « anthroposophique » sur le site weleda.fr. ». Le mouvement pédagogique dit « Steiner-Waldorf » créé en 1919 se porte plutôt bien. Développé surtout après la Seconde Guerre mondiale, son plus fort succès actuel s’observe en Allemagne et en Europe du Nord – environ 2 500 élèves en France dans 22 établissements, créés pour la plupart dans les années 1950 – mais on compte aujourd’hui dans le monde un millier d’écoles et près de 2000 jardins d’enfants inspirés par cette pédagogie, qui scolariseraient au total 250000 élèves.

La « conscience écologique » précocement exprimée par Steiner est mise en application dans les écoles Waldorf par l’utilisation dans les classes de matériaux bruts et naturels (« qui ne trompent pas les sens»), par la pratique du jardinage et d’activités liées à l’environnement ; les restaurants scolaires proposent des menus à large dominante végétarienne, certifiés en « biodynamie ». Sur les sites officiels vantant les écoles du mouvement Waldorf, les porte-parole de l’institution sont toutefois très prudents ; ils mettent en avant l’écoute individualisée et l’absence de contrainte permettant à chacun de découvrir son potentiel, l’expression artistique et corporelle, autant d’orientations pédagogiques partagées par tous les tenants de l’Éducation nouvelle, et alléchantes pour les parents, mais la doctrine anthroposophique fondement de l’enseignement, à laquelle les enseignants se doivent d’adhérer, n’est pas enseignée en classe, prétend-on. Sur la question du respect du calendrier vaccinal par leur public, ils se montrent prudents également : ne souhaitant pas se démarquer officiellement et éventuellement sortir de la légalité, ils déclarent laisser ce choix aux familles. Malgré cette sagesse affichée, les écoles Waldorf ont été plus d’une fois, et pas seulement dans notre pays, épinglées par les autorités sanitaires et éducatives […]..

Il est très clair que la vaccination reste en opposition aux principes mêmes de l’anthroposophie : on peut d’ailleurs lire sur un site officiel de l’organisation que l’immunisation « entre en conflit avec le développement karmique et les cycles de la réincarnation[9] Traduction d’un site chinois associé à la marque, d’après Isabelle Burgun, « L’anti-vaccination sur les bancs d’école », Science Presse, 16 février 2015. ». Une maladie infantile telle que la rougeole y est décrite comme un rite de passage, une expérience par laquelle la personnalité de l’enfant s’affirmera, une étape qui le fera mûrir et devenir adulte. Les médecins anthroposophes pensent que la fièvre et l’inflammation observées lors de ces maladies aident l’organisme à éliminer ses composantes vieillies et contribuent au renouvellement cellulaire, à la croissance et au renforcement du système immunitaire. Parmi les questions que le site suggère aux parents de poser lors des réunions à l’école, l’une interroge même la possibilité médicale d’annuler une vaccination, afin qu’un enfant puisse tirer bénéfice de contracter la maladie. On voit clairement ici, dans cette théorie de « l’épuration par la maladie», une résurgence d’un concept déjà utilisé contre la vaccine[10] Voir le rapport du Dr Gacon en date du 12 décembre 1836, cité par Pierre Darmon, La longue traque de la variole. Les pionniers de la médecine préventive, Paris, Perrin, 1986, p. 224.. Sur la même page du site Waldorf, on peut lire qu’en cas de complication grave, voire de décès de l’enfant, c’est que son destin l’y prédestinait ; les parents ne porteront pas la faute de la perte de leur enfant suite à ce choix de non vaccination, puisque son destin était tracé… Rien de neuf là non plus, puisque l’appel à la Providence a été maintes fois repris par les antivax. À les entendre parler de « nature » et de « grandir par la maladie » à la sortie de l’école, on n’entend donc rien d’autre en 2015 chez ces parents de Colmar, que les préceptes bien compris de Steiner en matière de santé, préceptes eux-mêmes pas très nouveaux.

Une question se pose pour tenter de mieux cerner l’influence de ces écoles sur les parents : ceux qui décident d’inscrire leur enfant dans les écoles Steiner partagent-ils tous cette position anti-vaccin, ou bien est-ce la fréquentation de ces écoles qui formate leur opinion ? Dans un article paru en 2015, l’anthropologue Elisa Sobo analyse en détail la culture sociale du refus et/ou du retard vaccinal dans la microsociété des parents d’élèves d’une école Steiner californienne, choisie car le taux d’exemption à la vaccination pour « croyance personnelle » y est de 51 % (dix fois plus élevé que la moyenne des écoles privées de l’État). Elle montre bien les mécanismes sociaux qui forgent et soutiennent une norme culturelle renforçant le groupe. Les parents Waldorf typiques ne vaccinent pas ; toutefois de nombreux parents précisent bien qu’ils n’ont pas choisi cette école pour ses conceptions en matière de santé mais bien pour la philosophie des valeurs éducatives qu’elle développe. Il y a un « penchant alternatif » à l’école, qui concerne autant les programmes et méthodes pédagogiques que ceux de la médecine officielle, mettant l’accent sur des vertus « naturelles » assez mal définies. Si une proportion supérieure à la moyenne des plus jeunes élèves a manqué quelques vaccins lors de la première inscription, la fabrique sociale de l’école sert d’incubateur, et elle aboutit à ces taux d’exemption extraordinairement élevés en renforçant les stéréotypes anti-vaccination. Ils augmentent ainsi avec le temps de fréquentation d’une famille, le nombre de ses enfants inscrits, ainsi qu’avec le nombre de personnes « anti » ou méfiantes dans le réseau parental. L’hésitation vaccinale est ici marque d’une indépendance d’esprit, part importante de l’identité communautaire waldorfienne, mais au sein d’une communauté dans laquelle il est difficile de contrevenir la norme sans menacer son appartenance au groupe ; c’est une distinction aussi[11] Elisa J. Sobo, « Social Cultivation of Vaccine Refusal and Delay among Waldorf (Steiner) School Parents », Medical Anthropology Quarterly, 29/3, 2015, pp. 381-399.. […]

 

Écologisme et vaccins : une méfiance persistante

[…] L’écologie politique fait aussi parfois écho à une écologie de l’organisme garante de son bon fonctionnement. La nature et l’idée que l’on s’en fait cristallisent ici d’autres craintes et d’autres prescriptions, qui vont voir s’agréger des oppositions ou des modes de vie et consommation dans les mêmes réseaux, les mêmes lieux, selon les mêmes conceptions des besoins vitaux. Nous nous en tiendrons à quelques exemples qui montrent des convergences avec les mouvements de méfiance vaccinale. Les besoins vitaux et les interdits se définissent bien souvent par rapport à la notion de risque. Ce risque qui se situait largement dans un environnement naturel au XIXe siècle et au début du XXe, s’est déplacé et apparaît de plus en plus comme produit par l’homme, « artificiel », « manufacturé », et donc souvent perçu plus dangereux car plus inaccessible. On retrouve dans cette catégorie des nouveaux risques les OGM bien sûr, qui cumulent d’innombrables défauts. La confusion s’opère constamment entre leur nature même, difficilement compréhensible, boîte noire de la biologie, perçue comme contre-nature puisque touchant à l’ADN symbole d’une identité « originelle », et les usages que l’on en fait, usages économiques monopolistiques pour des applications agricoles qui concentrent de fortes mobilisations. Par ailleurs, les OGM étant source de nouvelles techniques de production de vaccins, les militants anti-OGM sont assez souvent aussi des citoyens méfiants vis-à-vis des vaccins, comme en témoigne sur internet une présentation très personnelle du vaccin Gardasil comme un « méli-mélo de produits hasardeux comme le sont les OGM[12] http://stop-gardasil.over-blog.com/article-21415509.html [article indisponible, n.d.é.]. ».

On retrouve aussi dans les attitudes de méfiance vis-à-vis des antibiotiques, autre pilier de la lutte anti-infectieuse, des points communs avec la défiance vaccinale. Bien que d’origine biologique pour la plupart, ces médicaments sont appréhendés comme des agressions exogènes vis-à-vis des flores naturelles, intestinale en particulier : le fantastique microbiote, presque sacralisé, dont l’étude actuellement très active découvre chaque mois un nouveau rôle fonctionnel pour les microorganismes résidant dans notre intestin, bien différents de nos cellules mais de plus en plus considérés comme part de notre individualité. Ces « mauvais antibiotiques », beaucoup de patients les refusent ou cessent trop vite de les prendre, facilitant ainsi les rechutes et la sélection de mutants de résistance ; mais quand la panne s’annonce, quand la recherche ne trouve plus assez vite de nouvelles molécules contre les bactéries mutantes, on dénoncera vite les chercheurs incapables… Raisonnement identique à ceux entendus par les médecins infectiologues face à une méningite gravissime ou fatale, alors qu’un vaccin existe. Mais face aux antibiotiques, un peu comme dans le cas des vaccins « recommandés », le discours médical et institutionnel est parfois ambigu, prescripteur mais pas « de façon automatique » comme l’ont répété des slogans récents, et la responsabilité individuelle se trouve alors renforcée. Elle est parfois lourde à porter, alors que suivre son « instinct naturel » paraît si simple.

La primeur donnée aux principes vitaux/vitalistes dans la définition de la santé et des principes à mettre en œuvre pour son maintien se retrouve enfin chez les adeptes du « manger bio », avatar contemporain des régimes alimentaires prônés jadis par le Dr Carton, Geffroy, ou Élise Freinet. Une bonne alimentation est symbole de vie saine, elle entretient le terrain ; sans médicament, sans tabac, sans alcool, avec allaitement maternel, bon environnement affectif et la disponibilité d’une bonne mère, nul besoin de vaccin. Mais le discours autour du « manger sain » peut aller plus loin, en prônant des « morales alimentaires » qui permettront une véritable identification de l’homme à la nature : on voit dans les principes de respect des lois de la nature et des rythmes cosmiques fondant l’agriculture « biodynamique » une garantie de respect et de bon accompagnement dans le déroulé de nos cycles de vie, ou bien on mange des graines comme les oiseaux pour réaffirmer notre proximité avec une nature idéalisée et rédemptrice[13] Camille Adamiec, Devenir sain. Des morales alimentaires aux écologies de soi, Tours, PUR/PUFR, 2016, p. 91..

 

L’antivax parental : la famille par-dessus tout

La nature c’est l’ordre, la vaccination le chaos… Il faut donner au système immunitaire le « goût de l’effort », qu’il s’entraîne avec les maladies infantiles, et il faut donc éviter les vaccins qui nuisent à cet entraînement. La maladie infantile est un rite de passage, moment d’isolement, d’initiation, de formation de l’immunité, où l’enfant grandit au sens propre comme au sens figuré ; et si on enlève une maladie, la nature va en développer d’autres. La maladie qui tue, c’est la fatalité à l’œuvre et la loi de la nature ; et finalement si les plus faibles disparaissent pour laisser la place aux plus forts, c’est un moyen de régulation de la planète. Ces discours manient volontiers la métaphore et l’outrance, depuis le parallèle implicite avec la société de consommation où tout serait trop facile, la vision développementale élargie, jusqu’à l’affirmation de convictions malthusiennes, quand elles ne sont pas eugénistes.

De nombreuses enquêtes auprès de parents refusant la vaccination montrent qu’ils se réfèrent fréquemment à une dialectique d’opposition naturel/artificiel[14] Jennifer A. Reich, « Of Natural Bodies and Antibodies: Parents’ Vaccine Refusal and the Dichotomies of Natural and Artificial », Social Science and Medicine, 157, 2016, pp. 103-110.. Même si ce fond philosophique n’est pas le motif justifiant directement leur choix, s’il n’est pas exprimé aussi nettement, cette dichotomie constitue une sorte de référence contextuelle, de schéma de pensée, un prisme à travers lequel ils prendront leur décision de vacciner ou non. Des sociologues et anthropologues ont analysé des entretiens ou des forums en ligne de parents opposés à la vaccination: l’enfant y est décrit comme une sorte de perfection de la nature, et le vaccin constitue une intrusion agressive de la technologie dans le corps chéri, comme la lancette au XIX° siècle. Sur fond d’anxiété plus générale relative à la technologie, la science et la santé, le vaccin qu’on administre à un petit organisme sain est perçu comme une arme potentiellement dangereuse plutôt qu’une innovation capable de sauver la vie. […] Le vaccin peut être vu ici comme remise en cause de l’efficacité du soin maternel, en même temps que la rupture d’une harmonie avec la nature (le légendaire « instinct maternel»). Les parents se sentent seuls autorisés à faire des choix, même si ceux-ci sont en contradiction avec les politiques de santé publique ; les mêmes qui refusent la vaccination peuvent paradoxalement chercher à prévenir, par des régimes alimentaires peu stabilisés scientifiquement, des maladies elles-mêmes mal établies (par exemple, l’intolérance au gluten), ou à normaliser, parfois par la pharmacologie, des comportements ou de simples traits de personnalité (le cas des enfants turbulents ou impulsifs traités comme « hyperactifs » par un dérivé d’amphétamine est assez connu). Le vaccin « artificiel » est banni, mais d’autres comportements ou médicaments qui semblent l’être tout autant sont vécus comme des choix de parents responsables. À travers leur conception d’une éducation naturelle, ces parents refusent peut-être avant tout l’incursion de l’État dans les recommandations de santé.

Chez les parents refusant la vaccination, la quête de naturalité à souvent commencé dès la naissance, par le choix d’un accouchement à domicile, par le refus de collyres antibiotiques ou de supplémentation en vitamine K ou en fluor. L’idéalisation de l’enfant peut les conduire à croire qu’il aura aussi un système de défense immunitaire parfait, qui le protègera « naturellement » des infections. Vision bien optimiste de la nature qui oublie que jusqu’au développement de l’hygiène, des vaccins et des antibiotiques, quand nos seules armes contre les microbes étaient nos défenses naturelles, elles permettaient généreusement à l’humanité une espérance de vie moyenne d’environ vingt-cinq ans, qui n’a que peu augmenté depuis le Paléolithique jusqu’à l’aube de la révolution industrielle. Les maladies infectieuses étaient la première cause de mortalité jusqu’à la « révolution pastorienne » (au sens large) ; en Europe, 35 % de la population atteignait l’âge de 40 ans à la fin du XIXe siècle, alors que l’espérance de vie y atteint 80 ans environ actuellement. Des chercheurs ont bien montré que cette augmentation récente de l’espérance de vie reflète davantage le développement de l’hygiène, des vaccins et des drogues anti-infectieuses que l’ajustement par sélection naturelle de notre système immunitaire à des microbes en coévolution avec l’homme[15] Jean-Laurent Casanova, Laurent Abel, « Inborn Errors of Immunity to Infection: the Rule Rather than the Exception », Journal of Experimental Medicine, 202/2, juillet 2005, pp. 197-201.. Ils soutiennent que nous conservons une vulnérabilité (individuelle et collective) aux maladies infectieuses, qui selon eux reflète une grande diversité de défauts innés de l’immunité*. À ces inégalités naturelles/innées, s’ajoutent diverses formes d’immunodéficience acquise, dont les victimes ne sont protégées d’infections potentiellement graves que par de forts taux de couverture vaccinale* dans leur entourage ; parmi les causes de ces déficits, on peut citer les traitements des cancers par chimiothérapie ou radiothérapie, les médicaments anti-rejet pris sur une longue durée suite à une greffe, les thérapies utilisant des corticoïdes, les diabètes, le sida, le vieillissement et surtout la malnutrition, première cause mondiale de déficits immunitaires.

 

Nature contre culture : encore et toujours

En parallèle à cette première opposition corps naturel contre vaccin artificiel, l’immunité elle-même est sujette à cette dichotomie chez les parents « naturalistes » : celle qui est induite par les microbes, pensée comme naturelle, est préférée à celle procurée par les vaccins, nécessairement de moindre qualité parce qu’« artificielle ». On est là face à un argument ancien et persistant des opposants à la vaccination. Il s’agit pourtant bien dans les deux cas de la même immunité, avec des lymphocytes* et des anticorps* produits de façon active par l’organisme vacciné ou infecté.

Certes, la voie d’arrivée dans l’organisme étant différente, la nature même des substances immunogènes l’étant évidemment aussi, les modalités de stimulation des cellules immunitaires, la cinétique et la géographie de la réponse immune le seront également. Le vaccin contre la polio n’est pas l’infection naturelle par ce virus, fort heureusement ! Mais de façon qui peut paraître contre-intuitive, l’immunité induite par la vaccination est parfois beaucoup plus satisfaisante que celle qui suit une infection par le pathogène lui-même, comme dans le cas bien documenté du tétanos. Dans cette infection, suite à la pénétration de spores (formes dormantes du bacille tétanique) dans l’organisme, celles-ci peuvent se « réveiller » et le bacille se multiplier à bas bruit au niveau de la plaie ; il libère alors une neurotoxine extrêmement dangereuse pour l’homme. Une dose infime de celle-ci peut être fatale en empêchant la libération de neuromédiateurs inhibiteurs au niveau de la moelle épinière et du tronc cérébral, ce qui conduit à une contraction continue des muscles se traduisant par des spasmes, convulsions, rigidités et pour finir la mort dans plus d’un tiers des cas. Or, cette dose létale infime est aussi trop faible pour induire une réponse immunitaire satisfaisante. Une infection naturelle par le tétanos ne protège donc pas contre une éventuelle contamination ultérieure : on trouve ici un contre-argument parfait à l’idée communément admise par les antivax qui ne peuvent croire qu’un vaccin puisse faire « mieux que la nature ». Le vaccin antitétanique est en fait une anatoxine*, c’est-à-dire une forme modifiée de la neurotoxine (par un moyen physique ou une réaction chimique), adsorbée sur un sel d’aluminium ayant un rôle d’adjuvant, qui a perdu sa toxicité en conservant sa capacité à stimuler les cellules immunitaires spécifiques de la véritable toxine. Le cas du bacille tétanique moins immunogène que son vaccin n’est pas isolé, même s’il est le plus démonstratif ; on retrouve des réactions semblables dans le cas des vaccins contre le papillomavirus humain ou le pneumocoque, induisant des réponses immunes préventives de meilleure qualité que les réponses de la mémoire immunitaire* déclenchées par les agents infectieux correspondants.

Mais ce cas de figure n’est pas une généralité, et le contraire existe. Nombreux sont encore les agents infectieux pour lesquels les immunologistes et les vaccinologues n’ont pas réussi à imiter la réponse naturelle, ou plutôt à faire mieux qu’elle… Car c’est bien dans ces infections ou ces pathologies qui mettent en échec le système immunitaire, comme le paludisme, le sida et de nombreux cancers, que des vaccins efficaces tardent à s’imposer. Pour d’autres vaccins pourtant statistiquement efficaces et protecteurs, l’immunité induite par la vaccination peut être d’intensité ou de durée moins longue que celle qui suit une infection par le pathogène ; mais si une infection « naturelle » peut conférer une immunité supérieure à celle induite par le vaccin au niveau individuel, un prix quantifiable est payé par la population non vaccinée, et parfois l’individu, pour un gain extrêmement faible à éviter le vaccin. Par exemple, la rougeole naturelle chez un sujet normal confère une immunité tout au long de la vie, mais cause le décès pour environ 1 cas sur 3000, ainsi que de possibles complications parfois invalidantes. Au contraire, pour la vaccination correctement administrée, le risque fatal n’est pas statistiquement détectable, ni d’autres complications mesurables significatives, en dépit des milliards de doses qui ont été injectées. Mais il faut, dans ce cas de la rougeole, prévoir des rappels* de vaccination pour prolonger et améliorer l’efficacité de la protection : selon le Professeur Didier Raoult, c’est sur ce suivi vaccinal amélioré que devraient porter aujourd’hui les principaux efforts en santé publique[16] Didier Raoult, Olivia Recasens, La Vérité sur les vaccins. Tout ce que vous devez savoir pour faire le bon choix, Paris, Michel Lafon, 2018..

Préférer l’immunité « naturelle » post-infection, c’est être garanti à vie, mais c’est oublier peut-être un peu vite le coût potentiel de la véritable maladie. Aucune des maladies à vaccination obligatoire ou fortement recommandée n’est constamment banale. Les maladies dites infantiles sont rarement des broutilles chez l’adulte, et présentent un caractère de gravité ou des complications à court ou long terme chez un pourcentage non négligeable des enfants. Les parents refusant la vaccination n’évoquent jamais ce risque d’infection, ou s’ils le font, c’est pour expliquer que leur enfant s’en sortira, parce qu’il est en pleine santé, bien nourri, et qu’il aura par la suite la meilleure immunité qui soit. La confiance en la nature est telle qu’ils tentent parfois de faire contracter volontairement à leur enfant les infections visées par les vaccinations infantiles, comme la rougeole, ou la varicelle. Dans les pays anglo-saxons, ces « jeux » de contamination réciproque portent le joli nom de pox-parties ; un épisode de la célèbre série animée des Simpsons y fait même allusion. Certes, la varicelle n’est pas une maladie grave dans la grande majorité des cas, mais avant que la vaccination ne se répande aux États-Unis, on comptait environ 4 millions de cas par an, parmi lesquels une dizaine de milliers nécessitaient une hospitalisation pour complications, et environ une centaine en mourraient. Ici, l’apparente innocuité de la méthode dite de « contamination naturelle » n’est due qu’au faible nombre de ces pox-parties qui permet de passer sous le seuil de la visibilité statistique des cas tragiques. Une fois de plus, tout n’est qu’affaire de probabilité et les antivax jouent à la roulette sans même le savoir, En France, cette vaccination ne figure pas au calendrier vaccinal : on recense environ 700000 cas annuels, dont plus de 90 % avant l’âge de dix ans, plus de 3000 hospitalisations et une vingtaine de décès dont 70 % après dix ans. Ces données reflètent le caractère fréquent et très rarement grave de cette maladie dans l’enfance mais aussi l’augmentation du risque de complications avec l’âge ; elles expliquent aussi pourquoi le choix d’une vaccination systématique contre la varicelle n’a pas été fait en France, y compris dans le nouveau calendrier de l’obligation vaccinale. Comme elle ne couvrirait nécessairement pas 100 % de la population, une asymptote jamais atteinte même en régime d’obligation, elle conduirait à une circulation à bas bruit du virus dans la population qui ainsi moins exposée s’immuniserait moins naturellement ; les conséquences craintes en seraient un déplacement du pic d’incidence* de la varicelle vers l’adolescence ou l’âge adulte, avec des risques plus élevés de gravité, comme observé aux États-Unis qui a fait le choix d’une très large vaccination enfantine.

La fréquence et la gravité des complications sont plus inquiétantes pour la rougeole, et pourtant des parents organisent également de leur plein gré des measles-parties (littéralement, « boums-rougeole») pour que leurs enfants contractent la maladie auprès d’autres qui en sont atteints… De même, des flu-parties ont été dénoncées par des médecins canadiens durant l’épidémie de grippe H1N1 de 2009. Mais trouver dans son entourage des enfants non vaccinés malades n’est parfois pas si simple, sauf si l’école choisie regroupe justement de nombreux parents anti, Ainsi, on à vu apparaître aux États-Unis ou au Royaume-Uni une sorte de pox-business, des parents vendant quelques dizaines de dollars une tétine ou une sucette contaminée par leur enfant atteint de varicelle. Une page Facebook – « Find-a-Pox-Party-In-Your-Area », fermée depuis – servait de forum de discussions aux parents antivax américains, et la BBC anglaise s’est vue contrainte de rappeler que l’envoi postal de ces pox-package contaminés est sévèrement puni par la loi[17]Voir, par exemple, cette mise en garde du procureur général de Saint Louis (Missouri) en 2011 : www.stlouis-personalinjury.com/Blog/2011/November/-Find-a-Pox-Party-in-Your-Area-.aspx … Voir plus. Il faut être intimement persuadé de la supériorité de l’immunité « naturelle » pour faire davantage confiance à ce virus échangé en « circuit court » qu’à un vaccin hautement contrôlé, largement moins dangereux, et totalement exempt des risques de surinfection par d’autres pathogènes que la tétine pourrait transporter.

En fait, cette pratique (dans son principe très proche de celui des matrones orientales inoculant dans le nez un peu de pus « d’une bonne variole »), dont la fréquence est difficile à cerner, repose sur la croyance profonde que la maladie n’est qu’une affaire de « terrain » : être malade est le signe d’une faiblesse immunitaire, qui est assimilée à un manque de soins, une mauvaise alimentation, une vie malsaine. Veillons à ne pas tomber dans l’excès inverse qui ne verrait dans le déclenchement d’une maladie infectieuse que la responsabilité du virus ou de la bactérie et ignorerait le « terrain » : cette notion-valise très ancienne et empirique a rajeuni et intéresse beaucoup aujourd’hui les immunologistes, infectiologues et généticiens, ainsi que les spécialistes du microbiote intestinal, sans doute un élément-clé dudit terrain pour la sensibilité à certains microorganismes infectieux. Ces chercheurs étudient l’immunocompétence et ses multiples déterminants, de l’immunité innée* comme de l’immunité adaptative*, mais aussi les facteurs de sensibilité à tel agent infectieux et leur contrôle génétique, afin de cerner mieux l’individualité de chacun ; en ligne de mire, le graal d’une médecine individuelle, pas encore à portée de main, mais aussi des études de génétique des populations à grande échelle. C’est ce terrain plus ou moins favorable qui décidait jadis du sort des hommes face aux grandes épidémies de peste ou de choléra, et les descendants des survivants que nous sommes en ont sans doute hérité quelques gènes de résistance, qui peuvent par ailleurs nous rendre plus faibles face à d’autres pathogènes. Mais on ne peut pas nier, comme le font certains partisans inconditionnels du « terrain », qu’il n’y a de rougeole qu’en présence du virus de la rougeole… Si les enfants élevés « naturellement » n’ont pas la rougeole, c’est peut-être aussi que la plupart de leurs camarades de jeu sont vaccinés. Quelques non-vaccinés en promenade au parc Disneyland en Californie durant l’hiver 2014-2015 ont été à l’origine d’une large épidémie de rougeole qui s’est étendue au Mexique et au Canada. Les jeunes Alsaciens de l’école Steiner en voyage à Berlin, bien protégés dans leur environnement par une couverture vaccinale à peu près correcte en France, ont contracté le virus dans une ville et un pays où il circule davantage : peu vaccinée pour des motifs majoritairement « naturalistes », Berlin est aussi très ouverte sur l’Europe de l’Est, en déficit de vaccination, et accueille des réfugiés de pays où la vaccination n’assure pas la couverture élevée exigée pour la rougeole par exemple.

 

La bienfaisante nature et ses bonnes médecines

La nature est du côté du Bien, on l’aura compris. Ces conceptions sont si diffuses dans nos sociétés contemporaines, riches et éduquées, qu’elles en viennent à influencer le débat public, et parfois entravent la recherche et les politiques de santé. Au nom de la nature, on à interrompu des essais scientifiques sur les semences OGM, on s’interdit tels diagnostics prénataux ou techniques d’aide à la procréation, on préfère la boum-rougeole à la vaccination. Il faut manger « naturel », enfanter et élever « naturel », immuniser « naturel », mais la confusion règne entre ce qui est prétendu naturel et ce qui ne l’est pas. Le Nuffield Council on Bioethics, équivalent anglais et privé du Comité consultatif national d’éthique français, s’en est récemment inquiété et a tenté de cerner différentes conceptions de la naturalité. L’un de ses rapports distingue une conception neutre ou sceptique qui n’identifie pas le naturel au Bien, d’une vision mettant en avant la sagesse de la nature (elle fait bien les choses, il faut lui faire confiance et ne pas trop la modifier), ou encore, de façon plus radicale, d’une autre qui prête à la nature un but, une essence, voire une toute-puissance qu’il ne faut surtout pas entraver (il faudrait même protéger les microbes actuels, pour leurs « bienfaits » pour l’homme, et pour ne pas risquer d’en générer d’autres)[18]« Ideas about Naturalness in Public and Political Debates about Science, Technology and Medicine», Nuffield Council on Bioethics, novembre 2015 (consultable sur … Voir plus. On oppose volontiers cette nature idéalisée à la souffrance, à la monstruosité {y compris morale) et aux dystopies de la science-fiction pour souligner la répulsion et la crainte inspirées par les nouvelles technologies. D’autres, à l’esprit plus religieux, refusent carrément les technologies qui modifient la Création et contrarient la volonté divine.

Ce naturalisme extrême, d’inspiration religieuse ou non, confine souvent à la misanthropie teintée de malthusianisme : si l’on ne croit que dans les « lois de la nature », les plus faibles doivent disparaître pour permettre aux autres de vivre, cataclysmes et épidémies y veilleront, et de toute façon, on ne peut pas être trop nombreux sur Terre… Devant un tel fatalisme, les politiques de santé publique, avec leurs logiques d’égalité et de protection, leurs stratégies de lutte contre les inégalités naturelles et sociales ne sont guère audibles. Néanmoins, si cette instance éthique anglaise se préoccupe tant de la nature, c’est surtout parce qu’on la trouve à toutes les sauces et dans tous les discours, des parlementaires, créateurs et publicitaires aux communicants et journalistes, et qu’elle infiltre tous les forums pour parler en bien ou en mal, plus souvent en mal, de la science, de la technologie ou de la médecine. Face à ce constat, le Nuffield Council recommande in fine d’éviter d’invoquer la « Nature » dans tout discours officiel et journalistique, dans tout débat en lien avec la science, dans les textes de lois et les messages publicitaires, sauf à indiquer clairement les valeurs et croyances en arrière-plan.

Cette ambiguïté redoutée de la référence au naturel à en particulier été pointée récemment dans les politiques et discours de promotion de l’allaitement maternel[19] Jessica Martucci, Anne Barnhill, « Unintended Consequences of Invoking the “Natural” in Breastfeeding Promotions », Pediatrics, 137/4, 2016.. Les organisations de santé publique conseillent fortement aux mères d’allaiter leur enfant au moins six mois ; et pour cela, les campagnes de promotion s’appuient en très large partie sur des justifications et une sémantique en lien avec l’idée que « la nature, c’est toujours mieux ». Mais quand l’Académie américaine de pédiatrie insiste sur le fait que le lait maternel est « la meilleure et la plus naturelle nourriture pour les enfants », quand l’OMS s’appuie volontiers sur la « naturalité » dans ses discours pro-allaitement, ne risquent-elles pas de se tirer une balle dans le pied et d’affaiblir leur dénonciation du même argument naturaliste quand il est employé contre la vaccination ? On voit ici toute la difficulté à penser une politique efficace et éthique en matière de santé : outre le fait que le lien nature-maternité renforce dans cet exemple le déterminisme biologique des rôles parentaux, et que l’injonction à l’allaitement maternel puisse être parfois ressentie comme culpabilisante, le discours naturaliste semble ici contre-productif. Si obéir à la nature est le must dans le domaine de l’allaitement, comment espérer des mères qu’elles ne suivent pas les mêmes recommandations dans leurs choix vaccinaux ?

La nature est encore du côté du bien et de l’ordre chez les fils spirituels des médecins dissidents des années 1920-1930. Si l’avis négatif du Dr Carton sur la vaccination s’oublie peu à peu du grand public, il est repris par les auteurs d’ouvrages antivax récents. Ainsi, le Dr Christian Tal Schaller le cite-t-il en 2014 pour donner un sens à la maladie :

« Dans l’organisme comme dans l’univers, il n’y a pas d’effet sans cause. Les effets morbides ont des causes, et elles se rattachent toujours à des désobéissances aux lois naturelles».

Carton voyait les inoculations vaccinales, ainsi que les greffes et les transfusions, comme des profanations de l’ordre naturel issu de la volonté créatrice divine ; la santé se mérite, et Tal Schaller dit encore, en 2004, que les maladies ne surviennent pas par une « pure malchance » face à laquelle « seule une intervention extérieure, médicamenteuse ou chirurgicale, peut […] guérir » ; il faut au contraire comprendre que « c’est un mode de vie déséquilibré qui […] conduit à l’intoxication du corps, et que celui-ci utilise la maladie pour se dépolluer ». La guérison est alors « l’aboutissement naturel des forces de régénération de l’organisme » ; « l’immunisation naturelle se fait dans l’ordre […], l’immunisation artificielle dans le désordre ».

L’attrait du « naturel » oriente-il vers les médecines alternatives ? Le choix préférentiel pour celles-ci de nombreux parents hésitants ou opposés à la vaccination peut le laisser croire. Au-delà de la prévention pour les molécules « artificielles » employées en allopathie, et leurs effets secondaires, le principal argument du choix des patients pour ces médecines non conventionnelles tient à leur approche plus holistique, qui considère l’individu d’abord dans sa globalité, en opposition aux pratiques allopathiques qui conçoivent la guérison comme consécutive à la normalisation d’un paramètre, d’une fonction, ou d’un organe. Dans un ordre naturel qui ne se conçoit qu’au niveau de l’organisme entier, soigner le terrain semble la panacée, selon l’éternelle opposition entre terrain et germes. Mais l’ordre naturel peut être pensé plus vaste, transcendant, englobant en une subtile « harmonie » humains, animaux, végétaux, mais aussi virus et bactéries ; son principe nous échappe alors et laisse toute la place à la croyance ou à la « pensée magique[20]Jean Faya, « Étude anthropologique sur Les Résistants à la vaccination, dans les secteurs alternatif et populaire du système de soins de santé de la région lyonnaise, à propos de la … Voir plus ». Parmi les praticiens de santé qui refusent la vaccination, ou ne la conseillent pas, on trouve actuellement en majorité des médecins non allopathes (homéopathes surtout), mais aussi des membres d’ « écoles de pensée médicale » non conventionnelles, parfois appelées « parallèles » ou « alternatives», qui exercent un attrait croissant sur le public dans les pays développés, sur le continent américain surtout, mais en France dans une proportion croissante. Parmi eux on trouve en particulier les chiropracteurs, ostéopathes, naturopathes, ou kinésiologues.

L’homéopathie mérite un traitement particulier, car son positionnement par rapport à la vaccination est un peu paradoxal : les deux ne partagent-elles pas l’objectif de « soigner le mal par le mal » ? N’en déplaise aux patients réticents à la vaccination qui trouvent refuge chez des homéopathes compréhensifs, Hahnemann lui-même soutenait en 1842 la vaccination jennerienne[21]Note de contrenature.org : Il s’agissait de la vaccination contre la variole, se faisant directement de bras à bras d’un sujet malade à un sujet sain, rapportée en Europe en 1796 par … Voir plus et y trouvait une justification réciproque de leurs deux pratiques :

« Le fait que la vaccine diminue et adoucit homéopathiquement la variole paraît être la cause bienfaisante et remarquable, depuis la généralisation de la vaccination de Jenner du déclin du génie épidémique et de l’atténuation de la malignité variolique d’il y a quarante ou cinquante ans[22] Samuel Hahnemann, Organon de l’art de guérir, 6e édition, 1842, paragraphe 46, note h.. »

Mais là s’arrêtent les connivences, car comme le souligne le médecin anthropologue Jean Faya, les granules de l’une symbolisent une « médecine douce, blanche et sucrée », alors que l’autre est tout le contraire avec son « vaccin […] intrusif, brutal et douloureux[23] Jean Faya, op. cit, p. 42. ». Hahnemann présente ses théories comme des « lois de la nature », et les substances qui constituent la pharmacopée des homéopathes sont elles aussi extraites de la nature, de ses plantes, roches, racines, minéraux, métaux ou insectes[24]Des granules dénommés « Rayons X 9CH » actuellement vendus par le laboratoire Boiron promettent même de diminuer les effets secondaires de la radiothérapie par des « rayons X … Voir plus. Une nature domestiquée dans le sucre et l’alcool, un peu malmenée par les dynamisations énergiques (appelées « succussions »), mais d’autant plus bienveillante qu’en dessous de la dilution 12CH, qui correspond à 12 dilutions successives au 1/100e de la teinture-mère (l’équivalent final d’une goutte dans l’ensemble des océans) – selon la théorie moléculaire à ce jour non réfutée – la probabilité de trouver une molécule « active » dans un granule est très proche de zéro ; on comprend que les effets toxiques de la belladone ou l’arsenic ne soient alors plus à craindre[25] Voir Silvano Fuso, Savant fous, visionnaires et charlatans, Paris, Vendémiaire, 2017, pp. 305-310.. Dans la pratique actuelle, les liens entre homéopathie et vaccination restent ambivalents. Les praticiens homéopathes proposent leurs propres « vaccins » qui n’en sont pas au sens de la pharmacopée officielle – l’Influenzinum est dilué à partir du vaccin antigrippal de l’année, l’Oscillococcinum dérive d’extraits de cœurs et d’intestins de canards de Barbarie –, mais ils assurent aussi le service après-vente pour leurs patients vaccinés par les formules allopathiques : des granules à base d’aluminium sont destinés à « drainer le vaccin », conçus comme antidotes aux adjuvants*, mais d’autres visent à augmenter leur efficacité préventive, fabriqués parfois à base de fortes dilutions des vaccins eux-mêmes. Une sorte de théorisation hahnemannienne de la vaccination, comme plus largement de la pharmacologie est à l’œuvre, qui séduit largement – entre un tiers et la moitié des Français y ont déjà eu recours, plus d’un tiers des médecins en sont prescripteurs, le plus souvent sans être déclarés homéopathes –, et qu’on peut voir comme le seul placebo remboursé – à 30 % – par la Sécurité sociale[26]Note de contrenature.org : cela a changé. Depuis le 1er janvier 2021, plus aucun médicament homéopathique n’est pris en charge par l’Assurance maladie, même s’il est … Voir plus. Une situation paradoxale aussi du côté des malades : en déficit de confiance dans la médecine fondée sur les preuves, ils se tournent en nombre vers l’homéopathie, dont aucune étude ou méta-analyse n’a pu démontrer d’efficacité significativement supérieure au placebo, mais ils ont besoin, sans doute pour que l’effet placebo joue à plein, que les granules soient prescrits sur une ordonnance, ou rangés bien en ordre dans les tiroirs d’une pharmacie.

D’autres médecines non conventionnelles, celles-ci non exercées par des médecins validés par l’Université, se portent aussi très bien. Considérées comme naturelles car elles n’utilisent pas de médicaments, mais des manipulations ou des agents naturels, plantes, soleil, ou eaux thermales, elles ont aussi en commun d’avoir cette approche holiste qui manquerait à la médecine « académique », et a priori, de ne pas causer d’effets secondaires négatifs sur les patients. Ostéopathes, chiropracteurs et naturopathes cherchent tous aussi à stimuler les capacités d’autoguérison de l’organisme, à favoriser son retour à l’équilibre naturel, selon des principes par essence vitalistes et hérités du XIXe siècle. Cette force vitale est pour les chiropracteurs un flux énergétique qui transite par la moelle épinière, ce qui explique leurs pratiques de « réalignement » des vertèbres visant à libérer ce flux ; les ostéopathes en sont proches, mais mettent en avant la nécessité de restaurer la mobilité naturelle des organes les uns par rapport aux autres pour revenir à l’équilibre de l’état de santé ; la naturopathie quant à elle vise « à renforcer les défenses de l’organisme par des moyens considérés comme naturels et biologiques[27] Définition de l’OMS, à consulter sur le site de l’Association professionnelle de naturopathes, en ligne sur www.naturopathe.net/definition-naturopathie. ». On est loin de la théorie des germes et de la pharmacologie… Ces médecines proposent a priori d’autres solutions plutôt qu’elles ne s’opposent frontalement à la vaccination, mais les praticiens donnent souvent aux parents des avis réservés voire hostiles à celle-ci. Aux États-Unis, où les chiropracteurs représentent la deuxième profession de santé, une étude a montré qu’un tiers d’entre eux tenait des discours vaccino-sceptiques, alors qu’une association professionnelle qui en réunit d’autres acceptait au contraire comme efficaces les politiques vaccinales[28]« Le mouvement anti-vaccination, menace sérieuse et organisée aux États-Unis », article AFP repris par Sciences et Avenir du 26 janvier 2018. Nous n’avons pu trouver de données … Voir plus. Les naturopathes craignent moins, semble-t-il, de s’afficher contre la vaccination, ainsi cette page web d’un centre d’enseignement de « Naturopathie appliquée », qui affirme sans ambages qu’« avec les vaccins l’infection est certaine, mais l’immunité seulement probable », ou cette autre où l’on apprend que « la guérison vient de l’intérieur », et qu’un protocole adéquat à base d’argile, charbon et ventouses permet d’annuler le vaccin et ainsi d’échapper à la « dictature vaccinale[29]Voir l’article « Réflexions sur les vaccins » (la page n’est plus disponible) sur le site de l’École Masson, centre d’enseignement de naturopathie appliquée, et la … Voir plus ».…

Françoise Salvadori & Laurent-Henri Vignaud

 

Glossaire

*Adjuvant : produit ajouté aux antigènes dans la composition d’une formule vaccinale afin d’augmenter ou orienter la réponse immunitaire contre ceux-ci.

*Anatoxine : toxine qui, par action de la chaleur ou d’un agent chimique tel que le formol, a perdu sa toxicité mais a conservé ses propriétés immunogènes (exemple : l’anatoxine tétanique contre le tétanos).

*Anticorps : protéine produite par les lymphocytes B qui peut se lier avec une haute affinité à une molécule d’antigène. C’est un système important de défense immunitaire de l’organisme. On l’emploie couramment comme synonyme d’immunoglobuline (Ig).

*Antigène : toute molécule capable de se lier avec une affinité importante à un anticorps ou un récepteur d’antigènes de lymphocyte T ou B. En vaccinologie, ce terme désigne plus largement les microorganismes, ou portions purifiées ou synthétisées de ceux-ci, qui stimulent la mémoire immunitaire, avec ou sans adjuvant selon les cas.

*Couverture vaccinale : proportion de personnes vaccinées dans une population donnée, à un moment donné. Sa mesure permet d’évaluer le degré de protection d’une population contre une maladie infectieuse et l’efficacité des programmes de vaccination. Elle doit être d’autant plus élevée que la maladie concernée est contagieuse.

*Immunité : capacité d’un organisme à se défendre contre une infection. Par extension, ensemble des mécanismes de défense d’un organisme contre des agents étrangers, notamment infectieux ou tumoraux, susceptibles de menacer son intégrité biologique.

*Immunité adaptative : immunité qui repose sur les lymphocytes T et les lymphocytes B, caractérisée par sa spécificité antigénique, ainsi que par la mise en place d’une mémoire immunologique durable. Les vaccins consistent à activer ce type de réponse immunitaire.

*Immunité innée : immunité constituant la première ligne de défense contre les agents pathogènes, qui ne présente pas de spécificité antigénique fine, et engendre pas de mémoire. Elle s’exerce de manière rapide, spontanée et transitoire, sans nécessité de contact préalable

avec l’agent pathogène. L’inflammation et la phagocytose en sont des manifestations.

*Immunogène : se dit d’une substance capable de stimuler les cellules du système immunitaire, et d’induire une réponse de l’immunité adaptative. Les vaccins sont immunogènes.

*Incidence : en épidémiologie, l’incidence désigne le nombre de cas nouvellement apparus d’une maladie durant une période de temps donnée. On évalue aussi le taux d’incidence, qui permet de comparer des populations, en divisant l’incidence par un effectif de population (par exemple le nombre de cas pour 100 000 personnes).

*Inoculer : introduire un germe pathogène dans un organisme vivant par mise en contact, incision ou injection.

*Lymphocytes : familles de globules blancs, supports de la réponse immunitaire adaptative de l’organisme. Il existe deux variétés principales de lymphocytes : les lymphocytes B et les lymphocytes T. Chaque lymphocyte porte un seul type de récepteur d’antigène à sa membrane.

*Mémoire immunitaire : concept importé des neurosciences, exprimant la capacité d’un organisme (ou de ses lymphocytes) à répondre de façon plus rapide, plus intense, et souvent avec une meilleure affinité, à une nouvelle stimulation par un antigène déjà rencontré. Cette mémoire constitue la base rationnelle à la vaccination.

*OMS : Organisation mondiale de la santé (nommée WHO en anglais, pour World Health Organization).

*Rappel : administration d’une nouvelle dose vaccinale dans le but de maintenir, améliorer ou accélérer la réponse immunitaire obtenue après primo-vaccination.

*Vaccin : préparation à visée le plus souvent préventive, contenant des microorganismes atténués ou tués (virus ou bactéries), ou des fragments de ceux-ci, qui vise à provoquer une réponse immunitaire sans déclencher la maladie concernée par le vaccin.

*Vaccination : pratique médicale consistant à inoculer une préparation antigénique (bactérienne ou virale le plus souvent) immunogène mais dépourvue de toxicité pour induire un état d’immunité à l’égard de ce microorganisme particulier. Lors de la rencontre ultérieure avec l’agent infectieux, des lymphocytes « mémoire », à longue durée de vie, seront plus vite mobilisés, et agiront de façon plus efficace contre l’infection.

 



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    Notes et références

    Notes et références
    1 Nous avons vainement tenté de joindre les auteur/trice ainsi que la maison d’édition, et publions donc ici cet extrait sans leur accord explicite, en espérant qu’ils n’en prendront pas ombrage et trouveront même matière à s’en réjouir.
    2 Note de contrenature.org : Le naturisme est un mode de vie impliquant une pratique collective du nudisme, et basé sur l’idée de retour à l’état naturel. Au fil des années, le terme de « naturisme » a évolué. Il fut d’abord présenté, vers le XVIIIe siècle comme une doctrine médicale basée sur les travaux d’Hippocrate. À partir du XXe siècle, le naturisme est décrit comme une approche vers le nudisme et le végétarisme, dans un désir de se rapprocher de la nature (Wikipédia).
    3 Note de contrenature.org : L’approche hippocratique était fondée sur le pouvoir guérisseur de la nature. Selon la doctrine d’Hippocrate (460-356 av. J. C.), le corps contient en lui-même le pouvoir de rééquilibrer les quatre humeurs (le sang, la lymphe ou phlegme, la bile jaune et l’atrabile ou bile noire) et de se guérir lui-même. La thérapeutique se donnait simplement pour but d’aider ce processus naturel. Les approches néo-hippocratiques considèrent l’individu dans sa totalité bio-psychique et veulent le « rééquilibrer » : le malade est considéré comme une entité globale, aux aspects psychiques et physiques interconnectés, aux prises avec son environnement et dépendant de son hérédité. Cf. Léo Bernard, « La médecine néo-hippocratique des années 1930 : le temps d’une rencontre », Histoire, médecine et santé, Hiver 2018, pp. 63-81.
    4 Note de contrenature.org : « Il s’agit en premier lieu de se concentrer sur le corps humain de manière systémique, en privilégiant l’état général de l’organisme plutôt que l’état des organes considérés individuellement. Les différentes parties du corps sont perçues comme ayant des interconnexions nombreuses, profondes et multidirectionnelles. De manière générale, le tout est dit déterminer l’action des parties. Dans cette perspective, la maladie est regardée comme un désordre général du corps, et ceci même si la maladie peut être classée en termes, disons, de lésions locales ou d’agents étiologiques externes. » (Christopher Lawrence et George Weisz, « Medical Holism: The Context », dans Greater than the Parts. Holism in Biomedicine, 1920-1950, Oxford, Oxford University Press, 1998, p. 2).
    5 Pour les termes suivis d’un astérisque*, voir en fin d’article le glossaire établi par les auteurs.
    6 Voir les données actualisées sur la rougeole publiées sur le site de l’INVS : http://invs.santepubliquefrance.fr.
    7 « Une épidémie de rougeole sévit en Alsace », reportage vidéo France TV Info du 5 juin 2015.
    8 Voir la présentation de la médecine « anthroposophique » sur le site weleda.fr.
    9 Traduction d’un site chinois associé à la marque, d’après Isabelle Burgun, « L’anti-vaccination sur les bancs d’école », Science Presse, 16 février 2015.
    10 Voir le rapport du Dr Gacon en date du 12 décembre 1836, cité par Pierre Darmon, La longue traque de la variole. Les pionniers de la médecine préventive, Paris, Perrin, 1986, p. 224.
    11 Elisa J. Sobo, « Social Cultivation of Vaccine Refusal and Delay among Waldorf (Steiner) School Parents », Medical Anthropology Quarterly, 29/3, 2015, pp. 381-399.
    12 http://stop-gardasil.over-blog.com/article-21415509.html [article indisponible, n.d.é.].
    13 Camille Adamiec, Devenir sain. Des morales alimentaires aux écologies de soi, Tours, PUR/PUFR, 2016, p. 91.
    14 Jennifer A. Reich, « Of Natural Bodies and Antibodies: Parents’ Vaccine Refusal and the Dichotomies of Natural and Artificial », Social Science and Medicine, 157, 2016, pp. 103-110.
    15 Jean-Laurent Casanova, Laurent Abel, « Inborn Errors of Immunity to Infection: the Rule Rather than the Exception », Journal of Experimental Medicine, 202/2, juillet 2005, pp. 197-201.
    16 Didier Raoult, Olivia Recasens, La Vérité sur les vaccins. Tout ce que vous devez savoir pour faire le bon choix, Paris, Michel Lafon, 2018.
    17 Voir, par exemple, cette mise en garde du procureur général de Saint Louis (Missouri) en 2011 : www.stlouis-personalinjury.com/Blog/2011/November/-Find-a-Pox-Party-in-Your-Area-.aspx (entre-temps, le lien n’est plus valable, ndé) ; Brian Wheeler, « Why do parents buy chickenpox lollies? », 10 novembre 2011, visionnable en ligne : www.bbc.com/news/magazine-15647434.
    18 « Ideas about Naturalness in Public and Political Debates about Science, Technology and Medicine», Nuffield Council on Bioethics, novembre 2015 (consultable sur http://nuffieldbioethics.org/wp-content/uploads/Naturalness-analysis-paper.pdf].
    19 Jessica Martucci, Anne Barnhill, « Unintended Consequences of Invoking the “Natural” in Breastfeeding Promotions », Pediatrics, 137/4, 2016.
    20 Jean Faya, « Étude anthropologique sur Les Résistants à la vaccination, dans les secteurs alternatif et populaire du système de soins de santé de la région lyonnaise, à propos de la rougeole », mémoire de master en anthropologie, Université d’Aix-Marseille, 2005.
    21 Note de contrenature.org : Il s’agissait de la vaccination contre la variole, se faisant directement de bras à bras d’un sujet malade à un sujet sain, rapportée en Europe en 1796 par le médecin anglais Edward Jenner (1749-1823).
    22 Samuel Hahnemann, Organon de l’art de guérir, 6e édition, 1842, paragraphe 46, note h.
    23 Jean Faya, op. cit, p. 42.
    24 Des granules dénommés « Rayons X 9CH » actuellement vendus par le laboratoire Boiron promettent même de diminuer les effets secondaires de la radiothérapie par des « rayons X dilués ».
    25 Voir Silvano Fuso, Savant fous, visionnaires et charlatans, Paris, Vendémiaire, 2017, pp. 305-310.
    26 Note de contrenature.org : cela a changé. Depuis le 1er janvier 2021, plus aucun médicament homéopathique n’est pris en charge par l’Assurance maladie, même s’il est prescrit par un médecin traitant.
    27 Définition de l’OMS, à consulter sur le site de l’Association professionnelle de naturopathes, en ligne sur www.naturopathe.net/definition-naturopathie.
    28 « Le mouvement anti-vaccination, menace sérieuse et organisée aux États-Unis », article AFP repris par Sciences et Avenir du 26 janvier 2018. Nous n’avons pu trouver de données comparables pour la France.
    29 Voir l’article « Réflexions sur les vaccins » (la page n’est plus disponible) sur le site de l’École Masson, centre d’enseignement de naturopathie appliquée, et la page web « Conseils en Naturopathie » d’Angélique Gherghout.

    Docteur en histoire, Laurent-Henri Vignaud est maître de conférences d’histoire moderne à l’Université de Bourgogne.

    Docteur en pharmacie et docteur ès sciences, Françoise Salvadori est maître de conférences en immunologie à l’université de Bourgogne.